Au-delà de leurs apparentes différences, il y a forcément une cohérence entre
les peintures d’objets que sont les Vies silencieuses et les arbres, peints ou
dessinés, puisque les trois séries sont issues de la main d’Alexandre Hollan.
Les arbres dessinés proposent une modulation libre des gris, ceux qui sont
peints une vibration éclatante des couleurs, alors que dans les vies
silencieuses celles-ci sont juxtaposées, par teintes et par couches, pour
aboutir à une forme de sérénité et de calme apparents vibrant de l’intérieur, au
lieu que les arbres les exposent davantage, couleurs, matières et gestes. À
supposer que les Vies silencieuses soient plus introspectives – ce qui est une
interprétation – les arbres portent aussi un langage en attente. Les uns et les
autres parlent, différemment, et tous, en nous regardant les regarder, nous
parlent. Peints ou dessinés, la succession des arbres, par exemple, révèle à la
fois la différence, la spécificité de chacun, mais aussi l’approche que chaque
rencontre suscite chez l’artiste, qu’il s’agisse d’esquisses, de contours, de
vides ou de remplis : dans sa forme et son espace, chacun de ces arbres se
distingue et non se répète. Puisque aucune représentation ne peut englober un
tout ni être définitive, chacune figure une tentative, un inachèvement, qui
ouvre sur un autre. On pourrait faire le pari que c’est autant de visages
d’Alexandre Hollan qu’ils dessinent – et je fais aussi celui que dans ce qui
n’est pas un jeu de variations mais une tentative d’équilibre sans cesse
recommencée, chacun d’entre nous, à la manière d’un labyrinthe, peut y trouver
son chemin, et, d’une certaine manière, s’y retrouver voire s’y reconnaître. Que
vous préfériez l’une ou l’autre de ces œuvres, ou plusieurs, arbre vif de
couleur ou de fusain, vie silencieuse, je vous invite donc à vous demander en
quoi elle vous ressemble et ce que vous y découvrez de vous.
Ludovic Degroote
erró, la belle rosine, peintures, aquarelles & collages
13november 2023
-23december 2023
YK Hairstyling
YK Hairstyling, rue Fernand Bernier 51, Saint-Gilles, Brussels-Capital 1060, Belgium
Free
Description
J’ai eu la chance de faire la connaissance d’Erró en 2016 lors d’une exposition à la Fondation Folon. Ce fût une de ces belles rencontres que le métier de conservateur nous offre. Nous avons partagé quelques moments inoubliables. Qui le connaît apprécie son humour et sa générosité.
Quel message Erró nous adresse-t-il aujourd’hui avec cette interprétation de « La belle Rosine », incarnation de la jeunesse éphémère confrontée à la mort ? Nous savons que l’artiste islandais découpe sans relâche des documents issus de tous bords qu’il collecte et conserve soigneusement. Ils surgissent quelquefois des années plus tard. Cette nouvelle exposition à Bruxelles chez l’ami Marchetti était sans doute l’occasion de valoriser l’oeuvre d’Antoine Wiertz. Erró se sent-il intime du peintre belge qui maniait la dérision et surtout s’inscrivait dans les combats philosophiques et politiques de son temps ?
Erró a construit un univers pictural composé d’une explosion de figures, de monstres grimaçants ou d’anti-héros issus de la conscience collective, dans un chaos visuel, reflet d’une époque bombardée d’images. Souvent, il assemble sa peinture à des collages issus de l’imagerie de la bande dessinée, du cinéma ou des arts plastiques. Leur rencontre incongrue crée la surprise. On pourrait y voir le principe d’isolement cher aux surréalistes mais ces rapprochements inattendus ne visent pas la même intention. Erró suggère une narration et propose une approche plus sémiotique, une réflexion sur l’impact de l’image. Il peut user de la même image dans une contexte différent qui va induire un tout autre sens. Tel un témoin, il s’attaque avec ironie aux sujets de société – surconsommation, fantasmes stéréotypés de la sexualité, fanatismes religieux – ainsi qu’à la politique et à l’histoire contemporaine en pointant du doigt les guerres, les totalitarismes, le racisme. « Je suis une sorte de chroniqueur, de reporter qui rassemblerait toutes les images du monde et... je suis là pour en faire la synthèse (1). »
Aujourd’hui, avec cette glorification de « La belle Rosine », l’artiste met en valeur le concept de vanité, représentation allégorique de la fragilité de la vie humaine ou celui de la danse macabre, principe d’égalité de tous devant la mort. Quoi qu’il en soit par ce dialogue entre le squelette et la jeune femme, il pose la question du temps et s’empare d’un vaste sujet philosophique : « Faire bien n’est qu’une question de temps (2). »
Stéphanie Angelroth
1 - Se non è vero è ben trovato, Éditions La Pierre d’Alun, 2012, p. 13
2 - Antoine Wiertz, La belle Rosine, (1847), huile sur toile, 140 x 100 cm, Musée Wiertz, Bruxelles.
Inscription sur le tableau voir : https://fine-arts-museum.be/fr/la-collection/antoine-wiertz-la-belle-rosine
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