A+ Architecture in Belgium et Bozar vous invitent à découvrir l’exposition
Entangled Matter lors de visites guidées durant ces prochains mois. Un.e
médiateur.rice de chez Rotor sera présent.e dans
AImagine – Photography and generative images
Beschrijving
Texte d’introduction par Michel Poivert
Qui a peur de l’intelligence artificielle ? Les photographes peut-être mais pas tous ! En matière d’IA, la photographie reste un modèle. L’aspect photoréaliste des images rappelle que la production de données visuelles se nourrit des photographies stockées dans les mémoires numériques. Même s’ils ne font plus de prise de vue, les photographes peuvent toujours créer à partir des entités contenues en réserve.
Au-delà du folklore des hypertrucages (deep fake) auquel on réduit souvent l’image par IA, les photographes explorent ici les potentialités de la technologie dans sa capacité à imaginer le monde.
Dicible/Visible
Les IA génératives qui sont au cœur de l’exposition produisent selon le principe text to image. La puissance des IA vient de leur capacité à apprendre grâce au modèle des neurones profonds. Le « deep learning »
est opéré par les réseaux antagonistes génératifs (GANs) qui sont des algorithmes d’apprentissage. Après un entrainement dans un centre de données, elles peuvent générer un contenu à partir d’une requête en langage naturel (et non par un code), ce que l’on appelle un prompt.
Mais où les IA vont-elles rechercher les milliards de données à partir desquelles vont se générer les images ? Dans les espaces latents. Le terme rappelle « l’image latente » en photographie analogique, celle que l’on ne voit pas sur la pellicule et qui est développée au laboratoire. Les espaces latents sont des lieux invisibles où l’on a associé un mot à chaque image (indexation). Puis ces binômes sont encodés et peuvent être retrouvés dans un espace à multiples dimensions, grâce à leurs coordonnées. L’espace latent est donc un réservoir dynamique de données, qui peuvent être reliées entre elles en fonction des requêtes que nous leur adressons.
Par principe, il ne s’y trouve que ce qui y a été enregistré. En revanche, les combinaisons sont innombrables et fonction de l’instant T. Les images par IA sont des sortes d’instantanés pris dans l’espace latent. Mais des filtres y imposent des limites. Les sujets « inappropriés » pour des raisons morales ou politiques, par exemple, sont évacués.
Les photographes deviennent avant tout des créateurs de textes (prompts). Le langage est dit « performatif » : ce qui est dit devient une image. On passe ainsi de la photographie (l’écriture par la lumière) à la promptographie. L’art de la description prend le pas sur la création visuelle. Alors que jusqu’à présent la légende d’une image arrivait après la production visuelle. Ce poids des mots fait du dicible la condition du visible.
Pour les photographes, un jeu s’instaure face à la réponse que l’IA produit à partir du prompt. Celui-
ci peut être affiné au fur et à mesure des requêtes pour emmener l’IA vers un résultat convaincant. Les surprises ne manquent pas et l’IA produit de nombreuses invraisemblances appelées « hallucinations » ou « confabulations ». Comme en psychologie, il s’agit d’une erreur de mémoire qui se donne pour vrai. Les artistes peuvent les exploiter esthétiquement. C’est à cela que l’on reconnaît une image générée par un algorithme : elle est une machine à fabriquer des chimères.
Récursivité/Uchronie
Les algorithmes génératifs permettent d’explorer notre imaginaire. En utilisant les données des espaces latents, ils révèlent les contenus de notre culture visuelle. Ne s’agit-il pas, en quelques sortes, d’aller photographier dans notre mémoire collective ?
Image des images, les « photographies » générées par l’IA sont le miroir de nos imaginaires. Les photographes peuvent ainsi revisiter notre histoire et bâtir des scénarios. C’est une partition visuelle qui s’écrit à partir d’une récursivité, c’est-à-dire un retour permanent sur ce qui est « déjà là ». Est-on si loin de la définition de la photographie que donne Roland Barthes dans La Chambre claire, le fameux « çà-a-été » ? Sauf que dans les espaces latents, l’expérience du réel est déjà médiatisé par les images et les mots...
En pleine crise de la vérité, le faux et le vrai sont devenus interchangeables. Les photographes optent pour une troisième voie, celle de l’imaginaire d’anticipation. On peut parler de « fiction alternative », l’illusion du vrai n’est pas un but. Parce qu’il s’agit d’imaginer des mondes possibles plus que d’échapper à la réalité.
La photographie découvre ainsi une autre face de son pouvoir : le recours à un au-delà du réel repeuple notre imagination et (ré)génère les images et les récits dont nous avons besoin. Le temps de l’IA est celui de l’uchronie : une réécriture de l’histoire à partir de la modification du passé.
On ne s’étonnera pas que certains photographes revisitent l’histoire même de la photographie et plus largement la question de l’archive. Les mémoires numériques offrent un dédale infini et abritent le potentiel d’images au caractère fantomatique. Celles-ci sont des sortes de revenants qui perturbent notre rapport au temps.
L’aspect rétrofuturistes des photographies par IA provient de cette inversion des polarités temporelles. En revanche, la plasticité des formes donne un style « liquide » inédit aux contenus nés d’un brassage des données propre à l’ingénierie numérique. L’IA propose ainsi une morphogénèse des images, qui leur confère les apparences du vivant.
Utopie/Dystopie ?
Quels mondes nous permet d’imaginer l’IA ? Un univers aliénant de nos mémoires reconfigurées, ou bien la promesse émancipatrice de nouveaux récits ? Les êtres chimériques sont des cyborgs inquiétants et des robots indomptables. Mais ils peuvent tout aussi bien révéler des figures fantastiques réparant nos traumatismes.
Les photographes ont ici un rôle central. Leurs créations nous disent les potentialités de l’IA tout autant que leurs limites. Ils nous révèlent leur nature spectrale. Ceux qui furent longtemps les témoins du réel avec la photographie documentaire sont devenus des chamans activant des voyages dans l’espace- temps.
L’IA « photographique » ne correspond pas à l’idée de progrès. Le potentiel visuel que les photographes explorent de leurs récits ne dévoile pas un futur où le monde serait plus moderne. C’est l’idée même de futur qui est dépassée. Les mondes possibles de chaque artiste sont plutôt des formes de probabilités.
Que nous apprend l’IA sur la photographie ? Peut-elle qu’elle n’a jamais été l’art du réel que l’on a cru. Post- photographes ou néo-photographes, promptographes plus certainement, les artistes nous offrent ici une approche alternative des images à l’heure de l’économie de l’attention. Pour eux, on ne peut plus regarder sans imaginer.
- Michel Poivert, historien de la photographie et co-curateur de l’exposition AImagine
********** Nederlands **********
Introduction door Michel Poivert
Wie is bang voor kunstmatige intelligentie? Fotografen misschien, maar zeker niet allemaal!
Op het gebied van AI blijft fotografie een voorbeeld. Het fotorealistische aspect van de beelden herinnert ons eraan dat de productie van visuele gegevens voortkomt uit foto’s die zijn opgeslagen in digitale geheugens. Zelfs als ze geen nieuwe opnames meer maken, kunnen fotografen blijven creëren met de elementen die in deze databanken zijn opgeslagen.
Buiten het folkloristische gebruik van hyperfakes (deepfakes), waarmee AI-beelden vaak worden geassocieerd, onderzoeken fotografen hier de mogelijkheden van technologie om de wereld te verbeelden.
Zichtbaar/Zegbaar
De generatieve AI’s die in deze tentoonstelling centraal staan, werken volgens het principe van text to image. Hun kracht ligt in het vermogen om te leren via het model van diepe neurale netwerken (deep learning), met behulp van zogenaamde Generative Adversarial Networks (GAN’s). Deze algoritmen leren door training in een datacenter en kunnen vervolgens inhoud genereren vanuit een natuurlijke taalprompt.
Maar waar halen AI’s de miljarden gegevens vandaan waarmee ze beelden creëren? Uit latente ruimtes. Deze term verwijst naar de «latente afbeelding» in analoge fotografie, de onzichtbare foto op de film die zichtbaar wordt door ontwikkeling in de donkere kamer. Latente ruimtes zijn onzichtbare datavelden waarin woorden aan beelden worden gekoppeld (indexering). Deze koppelingen worden gecodeerd en opgeslagen in een multidimensionale ruimte, toegankelijk via coördinaten. Latente ruimtes vormen dus dynamische reservoirs van gegevens, die door AI op basis van prompts kunnen worden gecombineerd.
AI’s bevatten echter alleen wat in hun databank is opgenomen. De mogelijke combinaties zijn echter eindeloos en afhankelijk van het moment. AI-beelden kunnen worden beschouwd als momentopnamen uit deze latente ruimte. Toch zijn er filters die grenzen stellen, zoals het uitsluiten van «ongepaste» onderwerpen om morele of politieke redenen.
Fotografen worden vooral tekstschrijvers (promptmakers). De taal wordt performatief: wat gezegd wordt, wordt een beeld. Zo evolueren we van fotografie (schrijven met licht) naar promptografie. Het beschrijven van beelden wordt belangrijker dan het visueel creëren ervan. Waar vroeger het bijschrift een beeld volgde, gaat nu het zichtbare vooraf aan het zegbare.
Fotografen spelen met de reacties van AI op hun prompts. Deze kunnen verfijnd worden, zodat de AI steeds overtuigender resultaten levert. Toch blijven verrassingen en fouten – hallucinaties of confabulaties – veelvoorkomend. Deze esthetische afwijkingen, analoog aan psychologische geheugenfouten, worden door kunstenaars creatief benut. Een AI-beeld herken je vaak aan zijn vermogen om bizarre, hybride creaties te genereren.
Recursiviteit/Uchronie
Generatieve algoritmen nodigen uit tot het verkennen van onze verbeelding. Door gegevens uit latente ruimtes te gebruiken, onthullen ze de inhoud van onze visuele cultuur. Is het niet alsof we in onze collectieve herinneringen «fotograferen»?
De door AI gegenereerde beelden, spiegelend aan onze verbeelding, laten fotografen toe om onze geschiedenis te herinterpreteren en alternatieve scenario’s te construeren. Deze visuele partituren bouwen voort op recursiviteit – een voortdurend terugkeren naar wat al bestaat. Zijn we daarmee ver verwijderd van Roland Barthes’ beschrijving van fotografie in La Chambre claire als «ça-a-été»? Maar in latente ruimtes wordt de werkelijkheid al vooraf gefilterd door beelden en woorden.
In tijden van crisis rond de waarheid zijn het valse en het ware inwisselbaar geworden. Fotografen kiezen echter een derde weg: die van de verbeelding en alternatieve fictie. Het doel is niet een perfecte illusie, maar het creëren van mogelijke werelden. Fotografen worden visionairs die met behulp van counterfactual history verhalen herschrijven en onzichtbare waarheden blootleggen.
Fotografie onthult zo een nieuwe kracht: het vermogen om het onwerkelijke te benutten om onze verbeelding te verrijken en de beelden en verhalen te regenereren die we nodig hebben. AI verschuift ons tijdsbesef naar een uchronie: een herschreven geschiedenis op basis van alternatieven.
Sommige fotografen herinterpreteren daarbij de geschiedenis van fotografie zelf en het gebruik van archieven. Digitale herinneringen vormen een oneindig doolhof die schimmen van vergeten beelden herbergt, zoals sporen van het verleden die onze tijdsbeleving verstoren.
De retro-futuristische esthetiek van AI-fotografie weerspiegelt deze omkering van temporele polariteiten. Tegelijkertijd geeft de vloeibaarheid van AI-gegenereerde vormen een unieke plasticiteit aan deze beelden. AI biedt een morfogenese van beelden die ze een bijna levende uitstraling verleent.
Utopie/Dystopie?
Welke werelden laat AI ons verbeelden? Een vervreemdende realiteit vol herschreven herinneringen, of de belofte van nieuwe, bevrijdende verhalen? De hybride wezens – onheilspellende cyborgs of ontwrichtende robots – kunnen ook fantastische figuren zijn die onze trauma’s helen.
Fotografen spelen hierin een sleutelrol. Hun creaties onthullen zowel het potentieel als de grenzen van AI. Ze belichten de schimmige aard van deze technologie. Fotografen, ooit getuigen van de werkelijkheid, worden sjamanen die reizen in ruimte en tijd begeleiden.
AI-fotografie past niet in het idee van vooruitgang. De visuele verhalen van fotografen onthullen geen moderne toekomst, maar suggereren eerder een spectrum van mogelijkheden.
Wat leert AI ons over fotografie? Misschien dat fotografie nooit het medium van de werkelijkheid is
geweest dat we dachten. Post-fotografen, neo-fotografen of beter gezegd promptografen, bieden ons een alternatieve benadering van beelden in het tijdperk van de aandachtseconomie. Voor hen geldt: kijken is niet langer mogelijk zonder te verbeelden.
- Michel Poivert, fotografiedeskundige en co-curator van de AImagine tentoonstelling
********** English **********
Introduction by Michel Poivert
Who’s afraid of artificial intelligence? Photographers, perhaps—but not all of them! When it comes to AI, photography remains a model. The photorealistic quality of AI-generated images serves as a reminder that visual data production is fed by photographs stored in digital memories. Even if they no longer take pictures themselves, photographers can still create using the entities held in reserve.
Beyond the folklore of hyperfakes (deepfakes), which AI-generated imagery is often reduced to, photographers explore the technology’s potential to imagine the world.
Dicible/Visible
Sayable/Visible
The generative AI systems at the heart of the exhibition work on a text-to-image basis. Their power lies in their ability to learn through deep neural networks. Deep learning is achieved via Generative Adversarial Networks (GANs), which are machine-learning algorithms. After being trained in data centers, they can generate content from natural language queries (rather than code), known as prompts.
But where do these AIs retrieve the billions of data points used to generate images? In latent spaces. The term evokes the «latent image» in analog photography—the invisible image on film that becomes visible in the lab. Latent spaces are invisible realms where each image is associated with a word (indexing). These pairings are encoded and can be located in a multidimensional space through their coordinates. A latent space is thus a dynamic reservoir of data, connectable based on the queries we pose.
By principle, only what has been recorded exists in these spaces. However, the combinations are countless and depend on the moment. AI-generated images are akin to snapshots taken within the latent space. Filters impose limits, excluding “inappropriate” subjects for moral or political reasons.
Photographers become primarily creators of text (prompts). The language is «performative»: what is said becomes an image. This transition moves us from photography (writing with light) to promptography. The art of description takes precedence over visual creation, reversing the previous order where captions came after visual production. The weight of words makes the sayable the condition for the visible.
For photographers, a game emerges in the dialogue with AI, refining prompts to guide the system toward convincing results. Surprises abound, as AI produces numerous absurdities referred to as «hallucinations» or «confabulations.» Much like in psychology, these are memory errors presented as truths, which artists can exploit aesthetically. This is how algorithm-generated images are recognized: they are machines for creating chimeras.
Recursivity/Uchronia
Generative algorithms allow us to explore our imagination. By leveraging data from latent spaces, they reveal the content of our visual culture. Is this not, in a sense, akin to photographing within our collective memory?
Images of images, AI-generated «photographs» mirror our imaginaries. Photographers can thus revisit history and construct new scenarios. A visual score is written from recursivity—a constant return to what is «already there.» How far is this from Roland Barthes’s definition of photography in Camera Lucida—the famous that-has-been? Except that in latent spaces, the experience of the real is already mediated by images and words.
Amid a truth crisis, the false and the true have become interchangeable. Photographers choose a third path: that of anticipatory imagination. One might call it «alternative fiction,» where the illusion of truth is not the goal. Instead, it’s about imagining possible worlds rather than escaping reality.
Are photographers still photographers, or have they become anticipatory novelists? Their art turns prospective. They adopt the principles of counterfactual history: a logical narrative can arise from a hypothesis. What could have, or might yet, occur becomes the premise for rewriting the world. This often reveals hidden truths and highlights phenomena made invisible by official history.
Photography thus uncovers another facet of its power: by venturing beyond the real, it repopulates our imagination and (re)generates the images and narratives we need. AI operates in a temporal mode of uchronia—a rewriting of history through the modification of the past.
It is no surprise that some photographers revisit the very history of photography and, more broadly, the concept of the archive. Digital memories, with their infinite labyrinths, harbor potential for phantom-like images. These are spectral apparitions that challenge our relationship with time.
The retrofuturistic aesthetic of AI-generated photographs stems from this inversion of temporal polarities. Yet, the plasticity of their forms introduces a novel, “liquid” style, shaped by the data blending intrinsic to digital engineering. AI thus enables a morphogenesis of images, endowing them with lifelike appearances.
Utopia/Dystopia?
What worlds does AI allow us to imagine? An alienating universe of reconfigured memories, or the emancipatory promise of new narratives? Chimerical beings may be unsettling cyborgs or unruly robots, but they can also reveal fantastical figures that heal our traumas.
Photographers play a central role here. Their creations reveal both AI’s potential and its limits, exposing its spectral nature. Those who long served as witnesses to reality through documentary photography have become shamans, guiding journeys through space and time.
AI “photography” does not align with the notion of progress. The visual potential explored by photographers does not unveil a future where the world is more modern. Instead, it challenges the very idea of the future. Each artist’s possible worlds are forms of probabilities.
What does AI teach us about photography? Perhaps that it was never the art of reality we believed it to be. Post-photographers, neo-photographers, or more precisely, promptographers, these artists offer us an alternative approach to images in the age of the attention economy. For them, looking can no longer occur without imagining.
- Michel Poivert, photography historian and co-curator of the AImagine exhibition
Datum informatie
12:00:00 - 18:00:00