1939. Chaplin travaille sur les prémices de son nouveau film dont il résume le
thème assez simplement : « Je vais me payer Hitler ». Parce que ce génie
visionnaire anticipe avant tout le monde le drame et l’effroi qui vont s’abattre
sur l’Europe, il n’a plus qu’une obsession : monter « Le Dictateur »,
ridiculiser le Führer et éclairer le monde sur la folie de ce « crétin qui lui a
piqué sa moustache ». Le projet est ambitieux et courageux mais les freins
tenaces ; son frère et sa femme craignent pour lui et lui reprochent ses
provocations et son jusqu’au-boutisme.
Dans une scénographie de clair-obscur, nous entrons dans les coulisses du film
au gré d’extraits, de narrations de faits réels et clins d’œil
cinématographiques. Mais au-delà, à l’aune d’une mise en scène sobre et
élégante, d’un texte riche, percutant et d’une intelligence fine, nous
découvrons la complexité de ce duo Charlie-Charlot, puis l’intimité de cet
artiste empli de failles et de cicatrices. Génie torturé, bourreau de travail,
séducteur compulsif, Charlie ne veut pas simplement divertir mais crier des
vérités, réveiller les consciences et prendre la parole, cessant là les films
muets.
Dans ce spectacle puissant, dense, où s’entremêlent humour et gravité, saluons
l’impeccable jeu des trois comédiens et en particulier de Romain AK, sublime,
époustouflant Charlot, qui nous touche, nous transporte, nous hypnotise.
Grande justesse d’un spectacle suscitant une émotion palpable et rare.
