___
Léonore est une musicienne à part, à la fois nourrie à l’improvisation jazz, au
folk africain et à la musique persane. Associée à l’expérimentateur Jean-Daniel
Botta et au percussionniste Laurent Sériès, elle a construit, à partir de poèmes
d’Ernst Herbeck, poète "brut" autrichien, ce répertoire inouï composé de
miniatures krautrock, à la fois médiévales, enfantines et électroniques, entre
nursery rhymes, art brut, et avant-folk. Il est urgent de découvrir sa
singularité : elle est une des personnalités les plus originales et authentiques
de la chanson "française", prise dans un sens aussi large que le monde lui-même,
ici au service d’une poésie allemande qu’elle parvient à rendre aussi limpide
que familière, sans rien renier de son étrangeté.
___
Quand deux figures aussi discrètes que majeures de la musique indépendante se
rencontrent, un monde se crée. Entre improvisation et sophistication, chacun
cultive un univers unique, entre chansons obliques et musiques inclassables,
creusant selon leurs propres termes “une langue étrangère dans leur propre
langue.” Mocke observe le jazz comme un entomologiste, s’en inspire, mais ne le
pratique pas, comme si c’était un langage extraterrestre. Delphine Dora invente
le folklore d’un monde qui n’existe pas. Entre contrepoints, césures, lignes de
fuite et enchevêtrements, les deux artificiers brouillent les frontières entre
l’écrit et l’improvisé, l’intuitif et le pensé. La musique de Mocke est urbaine
"avec une touche de paranoïa urbaine", celle de Delphine semble toujours isolée
dans un grand paysage. Ils se complètent à merveille.
