Comment recomposer la mémoire de nos corps et réparer les fissures qu’ils
renferment?
Face à un choc émotionnel trop intense, il arrive à notre cerveau de disjoncter.
C’est ce qu’on appelle la dissociation. Partant de cette expérience, Medea
Anselin co-signe avec Alice Valinducq un premier spectacle, dans lequel quatre
personnes AFAB (assigné·es au genre féminin à la naissance) disjonctent et se
retrouvent dans une brèche spatio-temporelle. Pour recréer du lien avec le monde
réel, les personnages questionnent la perception de leur propre corps et
réalité. Entre l’imaginaire collectif dans lequel i·els baignent et les
traumatismes vécus qui affectent leurs sensations, que faire de leur corps ?
Comment colmater les brèches qu’i·els portent en ell·eux, pour leur réinsuffler
une capacité d’agir ?
Porté par une écriture collective, Brèches agence des fragments de vie que les
interprètes, en français et en catalan, déposent au creux d’un récit collectif,
une fiction qui les relie l’un·e à l’autre. Tantôt frondeuses, tantôt
réparatrices, et souvent les deux à la fois, ces voix intimes nous surprennent
par l’humour ravageur qu’elles déploient, afin que l’insurrection puisse se
produire. Comme le disait déjà Monique Wittig, « Le cheval n’est pas l’arme
toute entière mais il permet d’ouvrir des brèches pour que d'autres débarquent
et commencent à travailler les consciences. » Brèches est une expérience
sensorielle, qui ouvre au fond de nos imaginaires de nouveaux sentiers de
révolte et d’émancipation.
Studio 52 Dance Academy
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C’est l’histoire d’Izrar, une femme active et citadine qui suite à la mort de sa
plante, va reconsidérer ses valeurs fondamentales.
Tout commence par un accident. Izrar a reçu une plante verte en cadeau. Mais
pour cette femme, qui n’a jamais habité ailleurs qu’en ville et ne connaît rien
à la vie végétale, la jolie plante, réputée increvable, ne devient rien d’autre
qu’un objet de déco dans son appartement. Aux prises avec son quotidien, Izrar
l’oublie dans un coin de son salon, négligeant de l’arroser et la laissant
mourir à petit feu.
4 ans après les faits, Izrar mène l’enquête. Comment en est-elle arrivée à
négliger cette plante devant laquelle elle passait pourtant tous les jours ?
Accompagnée de son voisin Travik, un brin envahissant, Izrar décortique la
situation. Elle nous raconte son histoire mais ne cesse de se faire interrompre
par les passages réguliers de son propriétaire, Hermano, qui a pris l’habitude
de rentrer sans prévenir.
Jardin rend un hommage plein de tendresse aux codes narratifs des dramédies
contemporaines, que la scène convoque pour mieux les détourner. Entre passages
chantés, matériaux sonores et dialogues percutants, remplis d’humour et
d’originalité, l’écriture ciselée d’Amel Benaïssa et Mathurin Meslay façonne une
création hybride, rythmée, portée par un groupe d’interprètes magnifiquement
complices. Très proches du public, iels y incarnent le quotidien, les doutes et
les rêves de trois personnages résolument d’aujourd’hui dans une succession de
scènes loufoques qui, peu à peu, glissent vers des situations plus intimes,
touchantes et universelles.
Partant de sa propre existence de pure citadine issue de la banlieue et coupée
de la nature, Amel Benaïssa imagine une aventure ancrée dans notre présent, qui
interroge nos rapports intimes et ambivalents au monde végétal. À travers le
funeste destin d’une plante verte, sa mise en scène invite nos regards à
s’ouvrir sur cette part oubliée du vivant, cachée sous le béton des villes.
Comment redéfinir notre place, notre impact et notre manière d’être en relation
en tant qu'être humain·es au sein de l’écosystème? Quel soin pouvons-nous nous
apporter mutuellement?
Du déni à la prise de conscience, Jardin questionne le soin et l’attention que
les humain·es peuvent s’apporter entre elleux, dans un environnement citadin.
Une fiction aussi drôle que poétique, plus que jamais d’actualité.
Sur la scène entièrement vide, une femme s’avance vers nous, carabine à la main
: « I am the actress. I guess you are… the audience? », nous lance-t-elle, en
mâchant son chewing-gum de façon flegmatique. Elle poursuit, toujours en anglais
: « N’ayez pas peur de mon fusil. Je le garde tout le temps avec moi. C’est à
cause des loups ». Il n’est pas toujours possible de raconter sa vie dans sa
langue maternelle. Surtout quand dans cette vie, à peu près tout, un jour, s’est
effondré. Pour essayer de nommer ce qu’elle a sur le cœur, cette actrice qui
nous parle a donc décidé de faire un pas de côté, pour laisser place à l’un de
ses doubles. Une désopilante version américaine d’elle-même, qui va chercher de
nouveaux mots pour faire le récit de son hasardeuse reconstruction intime, tout
en s’amusant à brouiller les pistes de sa propre tragédie …
Après le succès de Faire quelque chose. (C'est le faire, non ?), et en
attendant sa nouvelle création la saison prochaine, nous avons invité Venedig
Meer, compagnie partenaire du Varia, à revenir quelques années en arrière. Douze
ans après sa création, l’autrice, actrice et metteuse en scène Florence Minder
réinterprète son tout premier spectacle, dans lequel on retrouve la matrice de
sa recherche théâtrale, qui questionne notre rapport intime et collectif à la
fiction. Ni musique, ni micro, ni vidéo, ni jeux de lumières : dans ce
seule-en-scène aussi bouleversant que jubilatoire, elle nous avertit même
d’emblée qu’elle évoluera dans un registre physique pour le moins … limité. Un
stand-up low-cost désarmant de sincérité, intégralement en anglais sur-titré, au
fil duquel son alter ego linguistique retrace ses errements et son désarroi,
tentant par tous les moyens de transcender sa propre solitude pour avancer sur
les chemins sinueux de la perte.
Sans jamais se départir d’un sens aigu du rythme et de la formule, son
personnage nous interpelle sans détour et se joue de nos attentes, face à cette
forme d’entertainment qui dérive lentement vers des contrées lointaines. Tout en
opérant une forme de distanciation, sa métamorphose langagière lui permet
d’explorer une terre inconnue à l’intérieur d’elle-même. Peu à peu, elle
réinvestit son corps et ses émotions, pour affronter un deuil dont l’origine
restera floue, mais qui ouvre sous ses pas un sentier escarpé dont elle détaille
chacune des étapes. Choc, déni, colère, marchandage, dépression,
expérimentation, acceptation : naviguant de thérapies infructueuses en obscurs
modes d’emploi de développement personnel, elle retrace avec une ironie mordante
les différents stades de son périple, au bout duquel elle finira par prendre le
large, pour se réinventer. Une énergie d’actrice explosive, au service de ce
savoureux mélange des genres entre humour et tragédie, dans lequel Florence
Minder confirme une fois de plus son talent pour défendre la fiction comme un
terrain de jeu inépuisable, tout autant qu’un espace de survie.
L’imaginaire n’est-il pas le plus beau des refuges, pour venir à bout des démons
qui nous hantent ?
En 1864, le petit village d’Illfurth, dans le sud de l’Alsace, fut secoué par de
mystérieux phénomènes qui défrayèrent la chronique. Dans la modeste famille
Burner, deux jeunes frères, Joseph, 7 ans, et Theobald, 9 ans, se sont
soudainement mis à tourner sur eux-mêmes, comme de vraies toupies. Ils s’en
prenaient violemment aux meubles, se contorsionnant, convulsant, avant de
basculer, des heures durant, dans un tel état de prostration qu’on les croyait
morts. Ce mal étrange dura plusieurs années. Impuissante, la médecine ne parvint
pas à les soigner et, rapidement, les autorités catholiques déclarèrent les deux
enfants possédés par le démon, avant de procéder à leur exorcisme…
Un siècle et demi plus tard, mêlant son histoire personnelle à la sombre légende
du village où il a passé son enfance, le comédien et metteur en scène Lionel
Lingelser part sur les traces de ses propres démons. À travers le personnage
d’Hélios, son alter ego de fiction, il remonte le courant de la mémoire pour
affronter, sans faux-semblant, les épisodes de possession qui ont jalonné son
parcours. Dans une succession de tableaux, d’allers-retours dans le temps et de
fragments de vie entremêlés, il nous livre un récit d’une grâce folle : la
métamorphose d’un apprenti comédien, découvrant la puissance salvatrice du
théâtre. La scène comme un nouveau royaume, une forteresse inébranlable face aux
assauts du réel, où ce jeune homme solaire, pleinement possédé par ses
personnages, va peu à peu exorciser ses blessures intimes et se dévêtir d’un
passé douloureux, pour cheminer vers la renaissance et la réconciliation.
Avec ce magnifique seul-en-scène, acclamé en France depuis sa création et que
nous nous réjouissons d’accueillir pour la première fois en Belgique, Lionel
Lingelser nous invite à le suivre dans un voyage initiatique, un récit lumineux
de résilience et d’émancipation. Entouré de ses fidèles complices du Munstrum
Théâtre, il a confié son histoire intime à l'auteur Yann Verburgh, dont il
interprète les mots à la façon d'une expérience cathartique, sidérante de
justesse et d'intensité. Traçant une ligne de fuite entre ses traumas, le
comédien navigue d’un personnage à l’autre pour transformer le plateau en un
territoire de liberté et de reconstruction intime, qu’il arpente corps et âme.
Il se met à nu, saute, tombe, se relève, danse, tirant les fils invisibles d’une
histoire où les époques se croisent, où le réel et le merveilleux s’entremêlent,
et où l’imaginaire devient le plus beau des refuges. Un hommage vibrant à la
part d’enfance et d’innocence qui sommeille en nous.
La grand-mère de Lou vit depuis plusieurs années dans une maison de retraite.
Malgré ses visites ponctuelles, Lou ne la connait pas si bien que ça. Tout ce
dont elle est sûre, c’est que sa grand-mère a quelques problèmes de mémoire…
Malgré tout, Lou est très attachée à sa mamie. Alors quand celle-ci se met à
évoquer un départ de la maison de retraite, Lou décide de la prendre au mot, et
la fait évader!
Un voyage surréaliste suspendu dans le temps, une enquête à la recherche d’un
papy disparu, une rencontre entre une grand-mère déboussolée et sa petite-fille
déterminée, une traversée folle de la mer à l’Ardenne en passant par Bruxelles,
des comédien·nes, du cirque, des marionnettes, de quoi se régaler avec le cœur
et les yeux…
Inviter nos mort·es sur scène, n’est-ce pas une manière, au fond, de réapprendre
à vivre avec elleux ?
« Ma mère a eu le cancer. Elle est morte et je dois apprendre à vivre avec. On a
dispersé ses cendres dans un champ, et elles se sont envolées. Du coup, il n’y a
pas de lieu. Je ne sais pas bien si je dois regarder le champ ou le ciel. En moi
non plus, d'ailleurs, je ne la trouve plus, ma mère. Je ne comprends pas où elle
est passée. Il faudrait peut-être que je lui parle, comme certaines personnes le
font avec leurs mort·es. Mais moi, je ne sais pas comment on fait… »
Comment apprendre à vivre avec nos mort·es ? Comment leur redonner, quelque
part, une place parmi nous ? Où trouver ce terrain d’entente et de jeu,
nécessaire pour maintenir avec el·leux un dialogue, par-delà les frontières de
l’existence ? Face à toutes ces questions, l’actrice et metteuse en scène
Jasmina Douieb s’est sentie démunie, à la mort de sa mère. Pour chercher à
comprendre, elle est partie à la rencontre d’inconnu·es qui, chacun·e à leur
manière ont réussi à façonner des moyens singuliers, des manœuvres intimes,
parfois secrètes et obscures, pour demeurer en lien avec leurs disparu·es. Elle
a recueilli les paroles de ces vivant·es en quête de sens, de signes fugaces et
éparpillés, de présences illisibles et confuses. De ces entretiens, elle retire
une cartographie sensible, où se croisent mille et une histoires de résilience,
mille et une façons de défricher ces petits sentiers du deuil, perdus dans les
broussailles.
Dans sa nouvelle création intime et réparatrice, créée au Varia en partenariat
avec le Théâtre Les Tanneurs, Jasmina Douieb, seule face à nous, peuple la scène
de voix étrangement familières, et de fantômes inconnus dont on sent la
présence. Puisant dans les interviews audio qu’elle a récoltées, elle
réinterprète ces paroles glanées au fil de son enquête, ou parfois, simplement,
nous les donne à entendre dans leur vérité première. Transcendant les limites du
spectacle documentaire, Post Mortem tisse peu à peu une toile sensible d’où la
fiction affleure, pour libérer une foule d’histoires qui se croisent,
s’entrechoquent, et finissent par nous toucher au cœur. Les mort·es y retrouvent
les vivant·es, pour reprendre, là où i·els l’avaient laissée, leur conversation
interrompue.
Comment tracer de nouveaux chemins de résilience, pour réparer une mémoire
intime abîmée par l’Histoire ?
« Papa, tu sais quels sont les points communs entre la guerre d’Algérie et
l’alcool ? J’en ai trouvé trois : le silence, le tabou, et la honte. »
Lorsqu’elle était enfant, celle qui prononce ces mots voyait son père comme un
héros. Le genre de héros à qui elle voulait ressembler plus tard. Et puis, le
temps a fait son œuvre. La fille a grandi, et le héros a vieilli, basculant peu
à peu dans les anfractuosités de sa propre mémoire, dans les sillons tortueux de
la vie, comme pour chercher quelque chose, pour rattraper un manque, ou bien
pour s’oublier. Jusqu’au jour où la jeune femme a décidé de couper les ponts. De
ne plus voir son père. Petit à petit, elle l’a gommé de ses souvenirs, comme un
vieux dessin qui s’efface…
Dans ce seule-en-scène à vif, Yasmine Yahiatène part sur les traces d’Ahmed, ce
père dont elle a dû se résoudre à faire le deuil de son vivant. Utilisant la
vidéo comme matière première et partenaire de jeu, elle sonde les failles de
cette relation douloureuse et interrompue, pour retrouver son chemin parmi les
fragments d’héritage qu’elle porte en elle et qui lui semblent si lointains.
D’archives personnelles en documents historiques, les images s’entremêlent, et
la mémoire d’Ahmed se recompose, par bribes : ses origines kabyles, son exil
vers la France, en pleine révolution. La perte de sa langue maternelle, qu’il
délaisse en assimilant peu à peu la culture de la puissance coloniale. Mais
aussi la liesse, la finale de la Coupe du Monde 98, les deux buts de Zidane,
version glorieuse d’une mémoire franco-algérienne peuplée de cicatrices. Et,
entre ces deux rives, l’alcool, comme un mauvais remède face à ce passé
décomposé.
Vidéaste de formation, mais également comédienne et performeuse, Yasmine
Yahiatène co-signe La Fracture, un premier spectacle aussi pudique que
troublant, réalisé avec son équipe de créateur·ices. Par un jeu subtil
d’évocations orales et de superpositions visuelles, elle se glisse dans les
brèches de son histoire familiale, et transforme la scène en un terrain
d’enquête et de réparation. Saisissant à bras-le-corps cette succession de
traumatismes vécus, de blessures transmises de génération en génération, elle
utilise la puissance des mots, des images et de la fiction pour reconstruire sa
propre histoire, et défricher de nouveaux sentiers de résilience intime et
collective.
Comment s’aimer quand l’horizon s’effondre ?
Quelque part dans le futur, une sorte de terrain vague aux airs de fin du monde.
Dans un coin, surgissant de la scène, une forme intrigante, brillante,
accidentée. Comme un bloc de montagne, une épave d’iceberg aux éclats irisés. À
moins qu’il ne s’agisse d’un morceau de ce ciel qu’on croyait disparu ?
Bienvenue dans le monde de Bâtard ! Petit prince des crapules, rebut des
métropoles en ruines, qui use de ses super-pouvoirs poétiques pour cracher son
désir et sa blessure aux oreilles de qui veut bien l’entendre. Traqué par un
cortège de créatures bizarres qui lui collent aux semelles, Bâtard doit être
jugé par un tribunal de rue pour un meurtre dont lui-même peine à se souvenir
s’il l’a vraiment commis. C’est alors qu’apparaît l’idole du quartier, Ekart,
qui ne va pas tarder à tomber amoureux de lui. Un amour puissant, authentique,
qui va peu à peu balayer ses repères, bouleverser son destin et réveiller, dans
l’épaisseur de son désir, un continent jusqu'alors endormi...
Avec cette fable tragi-comique aux accents cyberpunk, Thymios Fountas signe une
première création inclassable qui bouscule les repères théâtraux et transcende
les frontières du langage. Entre lyrisme et trivialité, son écriture explore des
rivages inconnus, revendiquant un style inédit où les mots et les sons fusent
comme des météores. À mi-chemin entre le terrain de jeu et le champ de bataille,
cette poésie résolument contemporaine, traversée par un flot d’images
paradoxales et d’hallucinations, réinvente un argot ultra-rythmé, audacieux mais
tout à fait limpide. Une parole tourmentée mais profondément drôle, mouvante,
sensuelle, comme un nouvel écrin dans lequel se dépose une histoire immuable :
un long chant d’amour pur, déchiré par la perte.
Proche de la science-fiction, Sauvez Bâtard dessine les contours d’un avenir
abîmé. Un monde brutal, curieusement proche du nôtre, dans lequel Thymios
Fountas inscrit une fiction composite, lumineuse, portée par une langue du futur
qui convoque en nous des sensations brutes. Un plaisir fulgurant à redécouvrir,
nichée dans les recoins du réel, la parole souveraine des laissé·es-pour-compte.
Plongeant dans un imaginaire queer, le spectacle célèbre la beauté des désirs
dissidents. À l’image du personnage central, décrit au masculin mais incarné par
une comédienne, toutes les figures de cette histoire naviguent dans cet
entre-deux-mondes qui perfore l’horizon du théâtre. Des identités ambiguës, des
corps indisciplinés et un univers sensoriel qui réveillent en nous une capacité
poétique insoupçonnée, afin de nous tailler, dans la frondeuse liberté du
langage, un nouveau territoire des possibles.