Le jeu de l’amour et du hasard

« Dorante : Lisette, quelque éloignement que tu aies pour moi, je suis
forcé de te parler, je crois que j’ai à me plaindre de toi.
Silvia : Bourguignon, ne nous tutoyons plus, je t’en prie.
Dorante : Comme tu voudras.
Silvia : Tu n’en fais pourtant rien.
Dorante : Ni toi non plus, tu me dis : je t’en prie.
Silvia : C’est que cela m’est échappé.
Dorante : Eh bien, crois-moi, parlons comme nous pourrons ; ce n’est pas
la peine de nous gêner pour le peu de temps que nous avons à nous voir. »

Ni Silvia qui se fait passer pour sa servante Lisette, ni Dorante jouant au
valet ne se font prendre à ce jeu de dupe où l’amour ne doit rien au hasard.
Bien qu’ils mentent et se travestissent pour se tester, chez Marivaux, rien
ne saurait tromper un noble cœur. Et, dans ce labyrinthe baroque des
faux-semblants et des quiproquos, personne n’échappe à sa condition.
Maîtres ou valets, chacun reconnaît le reflet de son rang dans l’implacable
miroir social.

Frédéric Cherboeuf nous convie à un joyeux raout sur fond de drame
bourgeois. Affriolante et déjantée, la mise en scène déshabille la condition
féminine et l’inéluctable déterminisme d’une bonne société soumise aux
règles d’un jeu de l’amour plus politique que jamais.

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